A quoi sert un observatoire?

Anne-Marie Dieu, directrice de l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse (OEJAJ) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, août 2023

Quelle est l’origine de votre Observatoire et sur quelle base fonctionne-t-il?

Son origine provient des recommandations du Comité international des droits de l’enfant sur la nécessité de pouvoir suivre l’évolution des droits de l’enfant et de leur application en Belgique ainsi que de la demande du secteur de l’aide à la jeunesse et de l’enfance. Son existence date de 1998 et a été consolidée dans un décret[1] en 2004 qui instaure les missions de l’Observatoire, mais pas le cadre, c’est-à-dire le nombre de personnes engagées.

L’OEJAJ est situé au sein du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ses projets et recherches touchent les matières de celles-ci. Il travaille de sa propre initiative mais répond également à des demandes provenant des milieux professionnels et politiques. Un accord de coopération avec la région wallonne datant de 2014 donne la responsabilité à l’Observatoire de co-piloter le plan d’action pour les droits de l’enfant de la Wallonie.

Quelles sont vos activités, notamment dans la collecte de données?

Nous effectuons des travaux de recherche à l’interne ou les confions sur appel d’offres à des équipes universitaires ou des acteurs privés, notamment pour évaluer les politiques publiques. Nos productions peuvent être des rapports mais également des outils pédagogiques pour les professionnels.

Lorsque l’OEJAJ a démarré, il y avait peu de productions statistiques uniformisées sur nos thématiques au sein du Ministère et ces données n’étaient pas structurées, ni exploitées dans un but de recherche. Il a donc fallu créer des questionnaires pour récolter de l’information auprès des services et ensuite les compiler dans des Etats des lieux/mémentos. Peu à peu, les services se sont améliorés en termes de production de données et le travail de l’Observatoire en matière de collecte de données a donc évolué parallèlement aux évolutions des secteurs.

L’OEJAJ s’est également spécialisé dans la collecte de données directement auprès des enfants et des jeunes en tant qu’experts de leur expérience. Plusieurs consultations ont été menées au fil du temps auprès des enfants sur différentes thématiques (leurs affiliations, leur bien-être à l’école, leurs pratiques culturelles et numériques, l’exercice de leurs droits…). Cela a abouti actuellement aux différents projets de baromètres que nous développons. Nous avons mis sur pied, en collaboration avec des instituts universitaires le baromètre jeunesse (18-25 ans) et le baromètre santé mentale portant sur le bien-être et le recours aux services d’aide. Un baromètre enfance est en cours de réflexion.

Comment contribuez-vous à faire évoluer les politiques publiques en faveur des droits de l’enfant?

Un groupe de suivi de la CIDE (Convention Internationale des droits de l’enfant) qui réunit des représentant-e-s des cabinets politiques, des administrations et de la société civile est animé par l’Observatoire. Il s’agit d’un lieu où la culture des droits de l’enfant se forge et se partage entre les différentes parties prenantes. La question des droits de l’enfant progresse aussi notamment via les actions autour des plans d’action communautaire et régional des droits de l’enfant.

Les recherches constituent une partie du travail de promotion des droits de l’enfant. Elles permettent de rendre visibles certaines inégalités et réalités du vécu des enfants et des jeunes. Les résultats permettent aux acteurs de terrain comme aux politiques et aux administrations de mieux connaître les populations avec lesquelles ils travaillent et d’adapter leurs dispositifs et leurs méthodes de travail.
Certaines évaluations de politiques publiques ont été à l’origine de décrets ou de modifications de réglementations existantes. Lors de l’évaluation des décrets, des recommandations sont émises, mais elles ne donnent cependant pas toujours lieu à des réalisations concrètes. Les logiques politique et administrative ou institutionnelle, prédominent parfois sur la réalisation concrète des droits de l’enfant.

Comment travaillez-vous avec les enfants et les jeunes?

Cela varie selon les projets et les recherches. Par exemple, nous constituons des comités d’enfants pour accompagner la démarche d’évaluation du plan d’action des droits de l’enfant.

En 2019, une grande consultation quantitative auprès des enfants et des jeunes a été organisée en vue d’alimenter le plan d’action pour les droits de l’enfant de la Communauté française. Cette consultation a été préparée en amont avec des focus groupes composés de jeunes et la consultation quantitative a été doublée d’une approche qualitative auprès d’enfants présentant des difficultés spécifiques. Le processus d’élaboration du questionnaire selon cette démarche participative a duré deux ans et a exigé de nombreux partenariat avec des associations pour accéder aux enfants et les accompagner dans le processus.

Un vrai dispositif participatif avec l’implication des enfants et des jeunes dès la conception des projets demande un gros investissement en temps et en énergie. La temporalité des enfants est différente de celle des adultes et il est nécessaire de s’adapter, de traduire les questionnements utiles pour la recherche en éléments saisissables pour eux. On ne le fait pas systématiquement et cela reste un défi. Mieux vaut prioriser la qualité des étapes participatives plutôt que de vouloir faire participer à chaque étape mais superficiellement.

[1] Le décret correspond à une loi cantonale en Suisse

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