Le Leaving care est un enjeu important dans l’accompagnement des jeunes placé·es en foyer éducatif ou en famille d’accueil. Pouvez-vous nous expliquer qui sont les Careleavers et quels sont leurs besoins?
Le terme « Careleaver » désigne les jeunes qui ont passé une partie de leur vie au sein d’une mesure de placement de la protection des mineur·es, c’est-à-dire dans un foyer éducatif ou une famille d’accueil, et qui se trouvent en transition vers une vie autonome. Ce processus commence généralement à l’âge de la majorité, mais peut s’étendre sur plusieurs années.
Contrairement aux autres jeunes du même âge, ils doivent souvent faire le pas vers l’indépendance plus tôt et avec moins de soutien. Alors que les jeunes adultes vivent en moyenne jusqu’au milieu de la vingtaine dans le foyer parental, les Careleavers doivent généralement quitter l’institution ou la famille d’accueil à 18 ans, ou au plus tard à la fin de leur première formation. Plusieurs transitions ont alors lieux simultanément dans différents domaines de la vie tels que le logement, la formation et les relations sociales. Les défis qu’elles et ils rencontrent durant cette période sont généralement très complexes.
Premièrement, les Careleavers sont confronté·es à de nombreux défis pratiques et financiers. Ils ont besoin d’un soutien complet pour acquérir des compétences quotidiennes telles que la gestion du budget et des finances, ainsi que la gestion administrative. La question du logement est un thème central : de nombreux Careleavers ont besoin d’aide pour trouver un logement abordable et pour construire leur propre ménage. Le besoin d’un soutien financier y est étroitement lié, car les ressources nécessaires au démarrage de l’autonomie font souvent défaut. Dans ce cas, il est nécessaire de les accompagner dans leurs démarches pour obtenir des prestations sociales et constituer une base financière. De plus, les Careleavers ont souvent besoin de conseils juridiques sur des sujets tels que le droit de séjour, les prestations sociales ou les questions liées au droit du travail.
Deuxièmement, les Careleavers ont besoin d’un soutien émotionnel et social intensif. La transition vers l’autonomie est souvent très exigeante sur le plan émotionnel, c’est pourquoi il serait optimal d’avoir un accompagnement continu et des interlocutrices et interlocuteurs fiables, même après avoir quitté le système de protection des mineur·es. Parallèlement, la construction de relations sociales stables en dehors de l’institution revêt une grande importance. Elles et ils ont besoin d’aide pour nouer de nouveaux contacts et pour entretenir les relations existantes afin de construire un réseau social solide. Le développement d’une identité stable y est étroitement lié. Les Careleavers ont besoin d’espace et de soutien pour se confronter à leur propre biographie, assimiler leurs expériences et développer une perspective positive.
En tant que membre du comité de l’association Careleavers Schweiz, pouvez-vous revenir sur le moment de sa création?
Entre 2017 et 2020, plusieurs Careleavers ont participé activement à des initiatives de recherche de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse (FHNW) et de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Le colloque « Careleaver en Suisse » du 29 août 2019, au cours duquel les groupes de Careleavers des deux hautes écoles se sont rencontré et ont échangé pour la première fois, a constitué une étape importante. Suite au projet de recherche de la ZHAW « Transition vers l’autonomie: les enfants placés participent! », son groupe d’accompagnement a fondé l’association « Cequality » en septembre 2020 à Zurich. L’objectif était de mieux représenter les intérêts des, ancien·nes et actuel·les, enfants placé·es en institution éducative et en famille d’accueil vis-à-vis de la politique et de la société. C’est dans ce contexte qu’est née l’idée d’une organisation faîtière à l’échelle nationale.
Cette idée est devenue réalité le 4 juillet 2021, lorsque les membres ont décidé de rebaptiser l’association « Careleaver Schweiz » et de l’établir comme organisation faîtière nationale. Les réseaux régionaux de Bâle et de Zurich se sont unis et ont soutenu en même temps la création d’un nouveau réseau en Suisse centrale. L’objectif général est d’atteindre les Careleavers dans toute la Suisse et de les mettre en réseau.
A travers quelles activités l’association soutient et encourage les Careleavers dans la transition vers l’autonomie et quels sont les projets en cours?
L’association Careleaver Schweiz s’est fixé en premier lieu trois domaines d’action comme objectifs:
- Soutien et développement des réseaux régionaux : l’association souhaite soutenir les réseaux régionaux de Careleavers déjà existants en Suisse en leur fournissant des ressources supplémentaires, par exemple en développant des systèmes administratifs uniformes. En outre, elle encourage la création de nouveaux réseaux dans d’autres cantons. Ainsi, les réseaux de Suisse centrale et de Berne ont par exemple été créés avec le soutien de Careleaver Schweiz.
- Offres d’information et de soutien: un autre objectif est de faciliter l’accès des Careleavers en Suisse à des informations pertinentes et aux offres de soutien qui y sont liées.
- Défense des intérêts au niveau national: l’association s’engage au niveau national pour les droits des Careleavers. Au cours des quatre dernières années, des interventions ont déjà pu être déposées dans plus de 15 cantons. Grâce à la collaboration avec plusieurs conseillères nationales et conseillers nationaux, des interventions ont également été déposées au Parlement fédéral à Berne. Un succès particulier a été la création du groupe parlementaire « Care Leaving – anciens enfants placés » sous la coprésidence des conseillères nationales et conseillers nationaux Sarah Wyss, Benjamin Roduit, Matthias Zopfi et Patricia von Falkenstein.
L’association elle-même ne lance pas de projets propres, mais met des ressources à la disposition des réseaux afin de mettre en œuvre des projets adaptés aux besoins. Un exemple est le « système de parrainage », dans le cadre duquel des Careleavers expérimentés soutiennent des jeunes lors de la transition vers l’indépendance. Ainsi, j’accompagne personnellement depuis trois ans une ancienne jeune placée en famille d’accueil avec des conseils, un soutien émotionnel et mon réseau. J’ai par exemple pu l’aider à obtenir un stage d’un an dans une école primaire où je suis membre du conseil scolaire. Ce stage est une condition préalable à la maturité spécialisée qu’elle souhaite obtenir l’année prochaine. Je l’ai également soutenue dans la recherche de son premier logement.
En outre, chaque réseau régional propose régulièrement des rencontres « Get-together », au cours desquelles les Careleavers peuvent échanger et passer du temps ensemble dans un cadre convivial.